Hier soir, petite balade à la rencontre de nos amis de la rue.
Première destination : Boulevard des D., petit « espace maison » de Patrick.
« Bonsoir Patrick ». Il vient de se bastonner avec 2 types, la main ensanglantée, un peu énervé, un peu tristounet. Comme il dit, « Faut pas avoir mal dans la vie ». On discute, il me propose de m’asseoir sur sa couverture posée sur le fauteuil. A ce moment, j’avais des risques d’avoir des petits acariens galeux dans mon corps, alors je lui dis, simplement. Etant ancien légionnaire, il connaît bien ces petites bêtes et le voilà parti dans une recherche de conseil pour me soigner, entre gros sel dans le bain, gros sel dans le rhum et m’en badigeonner. La situation prête à sourire, moi dormant dans mon appartement bien douillet, n’ayant pas de risque potentiel d’attraper ces démangeaisons, me voilà conseillée par Patrick, gens de la rue, je crois que j’adore ce renversement. On en arrive à parler du bouquin, des photos que Sarah lui a données, qu’il a bien cachées pour ne pas se les faire voler. On en a d’autres, celles qu’il a prises lui même avec le jetable. On lui donne mais il fait sombre, il verra ça demain. Puis on discute encore. Patrick l’artiste se met à chanter, chanson d’amour, avec sa voix bien forte, douce par moment. Il chante presque juste, de Goldman, en passant par Brel, Johnny. Mais toujours des chansons d’amour. Je chante avec lui, c’est un duo qu’on va monter et on ira à l’Olympia. Il m’attendrit beaucoup, pleins d’énergies émanent de ce moment ; regard un peu ailleurs, mélancolie, regard un peu flou, fatigué, alcoolisé. Et regard dans mes yeux, complicité dans la chanson. Il est tard, il va falloir qu’on parte. Patrick veut nous chanter une dernière chanson, inventée sur le coup, une chanson à lui. Il est là , dans ce petit coin, à réfléchir pendant 2mn, tournant la tête un peu partout. Ayez, il l’a. Il chante ces paroles si fortes, remplies de vécu. Il s’est fait briser les ailes par cette femme, au dessus de la mer et il s’est noyé. Elle vit, vit vraiment, et lui va mourir de froid et de faim. Et pourtant, le jour où elle se brisera les ailes à son tour, il sera là , pour la relever. Voilà ce qu’il nous chante, cet homme brisé, fissuré du cÅ“ur et du corps. Et pourtant......Emouvant ce chant, j’aurai voulu l’enregistrer, le garder, mais ce n’est qu’un instant qui restera dans le souvenir qu’on lui porte.
« Il faut qu’on parte Patrick », « non non, une dernière », « ok, mais der’ de der’ », « papa chanteur, maman douceur, pleure pas, pleure bébé bonheur ».
Comment voulez vous avoir cette image négative, que tout le monde, que la société porte sur eux, après ces moments ? Tellement de chaleur dans ce froid du dehors, tellement d’humanité, d’affect, de bouts de vérité.... On ne peut qu’y retourner et avoir envie de les considérer, de les rencontrer !
Marseille, le 4 janvier 2006. Charlotte