La misère promène ses ombres mortelles dans les rues : les
clochards ont plus de classe une bouteille de mousseux à
la main. Au grand banc quai de la rue, la misère a ses
fous déambulant entre les rails du tramway déjà fantôme.
De la pitié à la piété, ce qu’il en faut des verres !
La misère a toujours les mêmes gestes et s’écroule dans la rue, dort devant les portes cochères, met des branches de houx dans une bouteille de vin tout juste vidée.
La rue pue. La rue est luisante de crasse et fleure l’urine dans les coins. Elle attend la pluie qui ne vient jamais et compte ses matelas, ses tonnes de récup, ses vêtements réservés dans des grands sacs éventrés, saccagés. La rue n’a pas de veine et pourtant son sang coule par les grilles des égouts.
La misère ressemble à une bouteille. En cul de sac. C’est
pour cette raison que l’on trouve autant de bouts de verre
tous les matins sur les trottoirs.
Marseille, décembre 2006