Le gouvernement vient d’annoncer l’augmentation du forfait hospitalier comme une des mesures prises pour renflouer l’hôpital. Les syndicats et les mutuelles ont naturellement protesté contre cette mesure, en expliquant que le gouvernement faisait payer cette dépense supplémentaire, soit par les organismes complémentaires, soit par les personnes modestes, trop « riches » pour avoir la CMU et trop pauvres pour avoir une couverture complémentaire.
Cette façon de voir les choses n’est juste qu’à demi, et risque de ne pas faciliter la suite du débat : cette augmentation porte intégralement sur les usagers, et accentue un certain nombre de facteurs d’inégalité face aux soins.
Rappels :
1 - Le forfait hospitalier a été créé dans les années 1980 pour boucher le trou de la sécurité sociale : il reposait sur l’argument que les personnes hospitalisées se trouvaient nourries, blanchies et logées par l’hôpital, et qu’elles pouvaient participer à des dépenses qu’elles auraient assumées par ailleurs. Son montant, faible au début, a été périodiquement réévalué : il est d’environ 10 € aujourd’hui.
2 - Le forfait n’est pas une dépense de soins (assurance maladie), mais une dépense d’hôtellerie : le forfait constitue donc une recette annexe pour les hôpitaux, hors dotation globale. Il est donc faux de dire que cette recette concerne la sécurité sociale, puisqu’elle va directement dans le budget des hôpitaux.
Quels problèmes sont posés par le forfait hospitalier :
3 - Sauf cas très rare, le forfait est toujours du, sans limitation liée à la durée de l’hospitalisation, y compris dans le cas d’affection de longue durée.
4 - Le forfait pose donc un problème pour les usagers principalement en cas d’hospitalisations longues ou répétées : les charges fixes des malades continuent à courir (logement) et les personnes peuvent se trouver en position de devoir choisir la situation d’endettement, ou un refus d’hospitalisation pour ne pas perdre leur logement. C’est notamment le cas des pathologies chroniques, et principalement de la psychiatrie.
5 - Les hospitalisations longues ne concernent que peu de personnes, ce qui peut expliquer la relative indifférence à ces questions. Mais il est évident que le forfait pénalise économiquement des personnes lourdement frappées par la maladie.
6 - Le risque financier pour l’usager est relativement important : 3650 € par an pour une hospitalisation sur toute l’année. Il s’agit donc d’un risque que les mutuelles ou les assurances refusent de couvrir complètement : la plupart des contrats complémentaires comportent une clause limitant la prise en charge entre 30 et 60 jours d’hospitalisation au maximum dans l’année.
Que conclure ?
Cette mesure de revalorisation du forfait hospitalier :
est choquante parce qu’elle accentue un défaut structurel du forfait sans limitation de durée (il fait porter la dépense sur les plus malades).
met à la charge des usagers une dépense supplémentaire, que ce soit par paiement direct ou par le paiement des mutuelles ou des assurances complémentaires.
contribue à rendre encore plus difficile l’accès aux assurances complémentaires qui augmentent leurs primes à concurrence du risque encouru.
n’a strictement rien à voir avec l’ampleur du déficit de la sécurité sociale : autant vider la mer à la petite cuillère.
On peut donc s’interroger sur la fonction de ce genre de mesure, totalement inutile, à côté du sujet, brouillant encore plus le paysage... mais pénalisant durement certains usagers. Cette production de brouillard est d’ailleurs leur seule fonction, masquant d’autres enjeux plus structurels.
Pour contrer ces mesures, quelques pistes sont possibles :
Demander en contrepartie de l’augmentation du forfait une limitation de sa durée : le forfait sera supprimé au-delà de la durée moyenne prise en charge dans les contrats complémentaires (environ 60 jours sur l’année).
Revaloriser le plafond d’accès à la CMU pour prendre en compte une bonne partie des personnes qui sont évincées des assurances complémentaires (AAH, minimum vieillesse) : c’est possible, puisque cette mesure a été mise en œuvre discrètement dans les DOM depuis le 1er septembre 2003...
Olivier QUEROUIL