Je suis d’accord avec les deux premières réactions. J’ai envoyé la pétition début septembre au CG, Villepin et Chirac.
Le Président du CG de mon département (sénateur) m’a répondu.
Voilà ce que je lui dis en réponse
Madame CxxxxDxxxxx
XXXXXXX
Monsieur,
Je vous remercie d’avoir répondu à ma lettre du septembre 2006, relative aux risques de levée unilatérale du secret professionnel protégeant les citoyens bénéficiaires de l’action sociale, par le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, et notamment son article 5, s’il était voté.
Vous avez pris soin de m’informer du caractère non systématique de cette levée éventuelle, de ce que l’initiative en serait laissée aux professionnels concernés, du fait que l’autorité de tutelle des professionnels de l’action sociale, que le Président du Conseil Général, proposerait au maire le coordonnateur que celui-ci nommerait et de ce que ce projet aura le temps de recevoir d’autres modifications avant qu’il ne soit adopté.
Il reste que ce secret partagé le serait avec des non-professionnels.
Or la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la famille et les droits de l’enfant, dans une note d’étape de juin 2005 formulait 52 préconisations parmi lesquelles l’instauration d’un « secret social partagé ». Celui-ci serait rendu obligatoire mais ne porterait que sur des informations « contextualisées » et ne concernerait que les professionnels chargés de l’enfant.
Vous m’écrivez aussi que ce partage de secret professionnel en cas de danger encouru par des personnes vulnérables, n’est que toléré par la justice et met les professionnels dans une situation délicate quand ils ont besoin de le partager. Dans les cas exprès où cette levée est obligatoire pour protéger les personnes en danger, cette levée est pourtant déjà non seulement autorisée par la loi mais on peut être poursuivi pour ne pas l’avoir fait. (Soignant à Procureur de la République par exemple).
Par contre, battre les enfants n’est toujours pas interdit en France ! 85% des enfants de deux ans subissent des tapes sur les mains, les jambes ! Chacun peut en être témoin quotidiennement, dans l’espace privé comme public. Cette violence s’autoproclame toujours éducation. Alors qu’il y a une filiation directe entre la violence subie (c’est maintenant scientifiquement prouvé) et les actes auto-destructeurs principalement (conduites suicidaires) et parfois hétéro-destructeurs (maltraitances de toutes natures, délinquance, crime), accomplis par un être humain quel qu’il soit, que la violence banale subie par les enfants dans notre société peut être comparée à la partie immergée de l’iceberg dont la partie émergée est la maltraitance grave. Celle ci parviendra, parfois, et toujours trop tard, à la dénonciation et l’action publiques, sans qu’une action déterminée d’éradication de la violence envers les enfants ne vienne hélas jamais prévenir son avènement !
Or toute cette vraie insécurité vécue dans leur chair et dans leur âme, absorbée par les enfants n’est pour ainsi dire pas comptabilisée dans les statistiques de la délinquance alors qu’elle devrait y figurer avant toute autre forme, avant même l’inexcusable violence subie par les femmes, les autres adultes, et a fortiori avant les atteintes portées aux biens, qui ne sont que les sous-produits ultimes et symptomatiques de la filière de la violence. Elle pèse lourd dans les budgets de la santé, métabolisée, déclinée en d’innombrables pathologies à tous les âges, car aucun être humain ne peut sans dégâts digérer l’atteinte à son intégrité, a fortiori par ses protecteurs naturels.
Je ne suis pas sûre que ce type de violence ne soit pas en train d’augmenter, exutoire banalisé de l’insécurité économique et sociale de tant d’adultes sevrés de liens sociaux, eux mêmes ayant plus ou moins subi brimades et coups « pour leur bien » de leurs propres parents, et qui sans l’aide d’une loi, ne peuvent que reproduire l’ancienne coutume, en toute certitude de faire leur devoir, prenant la conséquence pour la cause, et, afin de demeurer aveugles, transmettant le fardeau à la génération suivante, comme nous le faisons dans d’autres domaines.
Mère de famille, ayant travaillé en milieu hospitalier, auprès de personnes âgées, bénévole dans plusieurs associations dont deux qui accueillent des enfants et des familles, j’ai entendu et ne cesse d’entendre maints témoignages de violences subies ou infligées, et considérées comme normales tant par les victimes elle-mêmes que par les auteurs qui s’en glorifient, dans la sphère familiale comme dans les espaces publics, les lieux de travail, de formation, les institutions, depuis que je me suis formée à ces problématiques.
La France a signé la Convention Internationale des Droits de l’Enfant en 1989 ! 17 ans ont passé, nous sommes en 2006 et notre législation n’est toujours pas en conformité avec la CIDE ! Cependant nous aurions là la plus efficace et durable des préventions imaginables de toute forme de délinquance. Pourquoi ne s’y attelle-t-on pas ? Pourquoi traîner les pieds devant cette tâche urgente ?
Prévenir la délinquance ? oui, mais pas mettre un emplâtre sur une jambe de bois. La meilleure des prévention c’est quand même d’arrêter de fabriquer des citoyens devenus insensibles aux besoins des autres, parce qu’à l’âge où ils sont les plus dépendants, on leur aura inculqué par force, et de nombreux mauvais exemples tolérés par nos mœurs ET PAR LA LOI, la barbare « loi du plus fort. »
Faites nous une loi qui protège chaque enfant, et qui soutienne chaque père, chaque mère à l’appliquer dans son foyer « La loi interdit de battre les enfants ! » et en quelques années, vous tarirez la fabrique de délinquants, visibles et invisibles, les plus nombreux.
Et, après la famille, la deuxième institution où les enfants passent le plus clair de leur temps, à l’école, on peut regretter, avec la Défenseure des enfants, que la loi sur « l’avenir de l’école » ait omis de mentionner spécifiquement que « Toute violence, quels qu’en soient les auteurs, doit être proscrite à l’école ».
L’an dernier, j’ai du m’opposer à une punition collective instituée par un professeur, en première S ! La réaction de la classe a été : absence de la moitié de la classe à la colle, inertie totale pour l’autre moitié, pas de dénonciation à part la mienne, bac, livret et concours obligent ! (élite de la nation ?!) ! Cette extinction des uns est elle réellement moins préoccupante que les incendies des autres ? Cette passivité, ses déterminants et ses motivations font froid dans le dos. Pour ne pas perdre de points dans une compétition stérilisante, on a déjà renié sa dignité à 16 ans ?
Je vous invite à vous informer auprès de l’association « Eduquer sans violences » et « Ni claques ni fessées » et à lire la thèse du Dr Cormet que je me permet de citer :
« Tout ce que nous essaierons de faire contre la violence sera inefficace, si nous ne commençons pas par renoncer à la violence envers les enfants.
Mais éduquer les enfants n’est pas facile, et les parents sont souvent débordés. D’autant plus qu’ils ne reçoivent aucune formation au plus difficile métier qui soit. Il paraît donc indispensable, comme de nombreux pays d’Europe l’ont déjà fait, d’interdire l’usage des punitions corporelles envers les enfants, car les parents et les éducateurs ont souvent besoin d’être soutenus par une loi pour ne pas se laisser aller à répéter impulsivement les violences qu’ils ont eux-mêmes subies.
Mais il faut tout aussi impérativement développer toutes les structures qui pourront permettre aux parents et futurs parents de trouver informations, formation, lieux de discussion et réconfort dans leur difficile mais si belle entreprise. »
Le 24 juin 2004, le Conseil de l’Europe a demandé à tous les gouvernements européens d’instituer, dans leurs législations nationales, une interdiction absolue du châtiment corporel des enfants.
Deux possibilités :
1 - Soit un article inscrit au code pénal qui institue un « délit de punition corporelle » défini comme suit : le fait par qui que ce soit, y compris les parents et les personnes ayant autorité, d’utiliser pour quelque motif que ce soit, envers des enfants ou des adolescents, des punitions corporelles ».
« Toutes les punitions corporelles (telles que tapes, gifles, claques, fessées, coups de pieds, de poing, de bâton, de martinet, de fouet ou de quelque instrument, de même que griffures, pincements, tirage de cheveux ou d’oreilles, secouades, brûlures), tombent sous le coup de la loi ».
Le délit de punition corporelle serait puni d’un suivi socio-judiciaire consistant essentiellement en l’orientation vers une formation à la parentalité.
L’article 131-36-7 du code de procédure pénale prévoit en effet qu’ “en matière correctionnelle, le suivi socio-judiciaire peut être ordonné comme peine principale”. Et l’article 131-36-4 note que “le suivi socio-judiciaire peut comprendre une injonction de soins”. Le suivi socio-judiciaire pourrait donc être assorti d’une injonction de soins si le contrevenant faisait preuve d’un comportement habituel qui porte préjudice à l’enfant. On aurait là un levier efficace, simple et clair et incontestable, pour tous, parents en premier, pour motiver un changement d’attitude. Touchant tous les milieux sociaux, nul ne se sentirait discriminé.
2 - Soit une simple inscription dans le code civil sans envisager de pénalités, comme cela a été fait dans plusieurs pays d’Europe et serait peut-être en France la meilleure solution.
A 55 ans, je sais bien que secouer un tabou millénaire nécessite un effort prolongé, et la participation d’un grand nombre de gens, et d’acteurs divers dont les témoignages se corroborent les uns les autres. Le tabou de la valeur éducative de la violence sur les enfants commence à se fissurer, les preuves scientifiques se multiplient, nul ne peut plus arguer de son ignorance.
J’attends du législateur qu’il ouvre grands les yeux sur une réalité qui commence à émerger de siècles de déni. Le problème de la délinquance, inséparable de celui de la violence intraspécifique, suicide compris, qui plombe tout projet de société, jusqu’à mettre en jeu la survie même de l’humanité, ne m’apparaît que très collatéralement un enjeu du contrôle social, c’est bien plutôt à sa racine qu’une action déterminée pourrait être salutaire, et si police il doit y avoir, que ce soit pour policer nos mœurs à l’égard des plus faibles, tous, qui sont l’avenir de notre société, si tant est qu’on la désire humaine, ce qui est le but de toute politique, et les moyens sont le but, comme chacun sait.
Je vous adresse, Monsieur le Président, mes très respectueuses salutations.
CXXXXDXXXXX
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