Vieux, vieillesse, vieillerie, etc., les mots construits à partir du mot « vieux » abondent, surtout pour signifier la dégénérescence, l’appauvrissement, la perte ; en somme dans une acception négative. Et dans nos sociétés occidentales néo-modernes, la négativité ou la négatricité est toujours renvoyée dans le refoulé.
Le présent dossier du Sociographe vise à montrer la vieillesse dans sa dimension sociale singulière de celui ou celle qui vieillit, dont le rapport social se modifie (« I/ Le fait de vieillir »), et dont ceux qui sont à leur côté doivent trouver des modes d’existence particulière (« II/ L’aide et les aidants »).
Cependant, la vieillesse reste taboue, négative, pathologique ou maladive tant qu’on la maintient dans des discours feutrés et des pratiques intimes ou intimistes. Les politiques en faveurs de la vieillesse dérivent souvent d’ailleurs dans le renforcement (certes nécessaire) des lieux d’intimité et des discours sanitaires pour préserver l’aspect « feutré » (« III/ Des partenariats locaux »).
La vieillesse fait peur. Une peur qui se construit sur une vieillesse qu’on a poussée sur un unique versant de la vie : la fin de vie. De ce point de vue, la vieillesse peut être pire que la mort parce que vécue comme un long couloir d’attente inconfortable de cette mort. Pourtant, des aspects démographiques devraient nous inviter à envisager la vieillesse comme donnée principale de la vie. D’abord parce que la quantité de population dite « vieille « devrait devenir majoritaire. Ensuite parce qu’avec l’allongement de la vie, la part de ce qu’on nomme « vieillesse « chez un individu devrait prendre de plus en plus de place. Autrement dit, la vieillesse est une chance historique formidable de penser des possibles nouveaux dans nos façons d’êtres ensemble, de vivre ensemble (« IV/ Manifeste »).
Peut-on même parier que ce qu’on appelle la violence des jeunes est liée d’une façon ou d’une autre à la question de la vieillesse ? Si pour la jeunesse la violence trouve son nid dans la puissance de vie qui émerge dans leur corps, la violence faite aux vieux est le retour d’un corps défait de sa puissance. La puissance sans possibilité de la mettre en acte fait violence, tout comme les actes sans références à leur puissance font aussi violence. Le drame, d’une certaine manière, c’est qu’acte et puissance soit aussi séparés, constitués de plus en plus comme des réalités ne pouvant plus s’articuler. Ainsi, l’acte en puissance, c’est à dire le possible devenir-autre, est toujours ramené soit à sa puissance (à la recherche du tout puissant ou de la toute puissance) ; soit ramené à son acte, c’est-à-dire une mémoire qui a perdu son historicité.